Le travail de nuit

La loi n°2001-397 du 9 mai 2001 donne une nouvelle définition au travail de nuit, élargissant la plage horaire considérée comme du travail de nuit de 22h – 5h à 21h – 6 h. Désormais, le travail de nuit est défini comme étant «tout travail effectué entre 21h et 6h», le recours au travail nocturne doit cependant rester exceptionnel. Afin de pallier les désagréments pouvant être causés par celui-ci, la loi fait bénéficier le salarié d’une contrepartie sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, d’une compensation salariale (art. L.213-4 du Code du travail).

Cette nouvelle définition d’application immédiate fit naître des incertitudes quant à la compensation salariale. La loi étant d’ordre public, la contrepartie sous forme de repos compensateur étant imposée par le législateur, elle prend en considération obligatoirement les heures nouvellement intégrées dans la définition pour son calcul. Mais la compensation salariale étant laissée à l’appréciation des partenaires sociaux, il s’agit de savoir si celle-ci doit s’étendre aux tranches horaires 21h – 22h et 5h – 6h récemment intégrées dans la définition, mais non visées dans les accords.

De prime abord, dans une décision récente, la Cour de cassation avait décidé que la définition du travail de nuit étant applicable immédiatement, les compensations salariales prévues pour le travail de nuit devaient s’étendre aux heures des tranches litigieuses non visées par les accords en cause; ainsi, elles devaient être rémunérées immédiatement (Cass. soc. 16-12-2005, n°04-46.741).

Cette solution est pourtant battue en brèche par une série d’arrêts du 21 juin 2006 dans lesquels la chambre sociale énonce «que la définition du travail de nuit prévue par l’article L.213-1-1 du Code du travail n’a pas pour effet de modifier les conditions d’attribution de la compensation salariale fixée par une convention collective pour le travail de nuit, alors même qu’elles ne prendraient pas en compte la totalité des heures entre 21h et 6h» (Cass. Soc. 21-06-2006, n°05-42.307 et n°05-42.073, PBRI).

En l’espèce, la convention collective applicable aux entreprises de la grande distribution à prédominance alimentaire prévoit une majoration salariale pour les heures accomplies entre 22h et 5 heures. Suite à la nouvelle définition du travail de nuit, des salariés travaillant dans la grande distribution alimentaire demandent à bénéficier de la majoration salariale pour les heures effectuées entre 21h – 22h et entre 5h – 6h.

Dans la première affaire, la cour d’appel accueille les demandes des salariés en raison du caractère d’ordre public de la définition légale du travail de nuit. Tandis que dans la seconde affaire, le conseil de prud’hommes rejette la demande de rémunération en se référant uniquement à la tranche horaire correspondant à la convention.

Finalement, la Cour de cassation, contrairement à sa solution adoptée en décembre 2005, déboute les salariés de leurs demandes tendant à la rémunération des heures accomplies de 21h à 22h, et de 5h à 6h. Elle procède ainsi à un revirement aussi inattendu que spectaculaire. C’est dans l’optique de privilégier la sécurité des accords et conventions que la Cour de cassation justifie sa nouvelle solution (voir notre article «Quelles compensations salariales pour le travail de nuit?», InFOjuridiques, n°55, 09-2006). Selon elle, le caractère d’ordre public de la loi ne s’attache qu’à l’attribution du repos compensateur, qui a pour objet de garantir l’hygiène et la sécurité des travailleurs de nuit.

Si on peut se réjouir de cette volonté de ne pas altérer le travail des partenaires sociaux, on peut en revanche se poser des questions quant à la proximité de deux solutions totalement opposées.


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